12.1.16

Interview de monsieur le chien : origines et projets à venir

Dans la jungle foisonnante des blogs BD, un spécimen se montre aussi insaisissable et farouche qu'un marsupilami, son nom : monsieur le chien (oui, tout en minuscules).
À l'occasion du festival Angers BD en décembre dernier, j'ai pu rencontrer l'auteur pour en apprendre plus sur sa carrière et le chemin (sinueux) parcouru depuis ses débuts, mais avant ça, permettez-moi de vous présenter ce personnage haut en couleur.
En mode badass à gauche de l'image
Si vous suivez un peu l'actualité de la bande dessinée humoristique (calibre humour noir, pas Les Profs), vous avez dû entendre parler de monsieur le chien, même vaguement, notamment en sa qualité de tête de pont de feue Trafik la collection (encore plus) irrévérencieuse de Fluide Glacial ou pour Homoncule son dernier album paru l'année dernière chez le même éditeur (et classé parmi mes coups de cœur culturels de 2015).
Phrasé soigné au service d'un humour acéré, c'est ça l'esprit monsieur le chien !
Selon la chronologie officielle, monsieur le chien s'est d'abord fait connaître sur son blog en 2005 où il mettait son quotidien en scène avec une bonne grosse d'humour noir et d'autodérision non sans oublier de soigner la qualité de ses dialogues et de ses découpages.

Il fut publié par la suite chez plusieurs éditeurs dont Vraoum ! en 2008 avec Homme qui pleure et Walkyries (une reprise de ses notes de blog sur fond de rédaction d'un guide pour pécho commandé par Odin) puis La Fontaine de médiocrité en 2011 (reprise de ses notes de blog également), Makaka en 2009 avec Féréüs le Fléau (une histoire de Fantasy complètement barrée) ou encore Carabas avec les deux tomes de Didier Barcco (les aventures d'un croisement entre un commercial et l'espion Archer) en 2011 et 2013.
Une décennie "faste et furieuse" (pardon), mais qu'a bien pu faire l'auteur avant cette période ?
Mis à part des indices disséminés ça et là sur son blog, rien n'avait fuité sur l'avant monsieur le chien. Mon interview ci-dessous est donc là pour but de dissiper ce brouillard.

Mes notions d'anatomie, je les ai apprises dans des bouquins d'art , de musculation et de cul

Le Goûteur Culturel : Première question qui m'obsède depuis que j'ai découvert votre blog : cette maîtrise insolente de l'anatomie et du dynamisme dans vos planches, vous l'avez acquise dans une école ou alors êtes-vous un de ces autodidactes agaçants ?

monsieur le chien : Haha ! Je suis purement autodidacte, mes notions d'anatomie, je les ai apprises dans des bouquins d'art , de musculation et de cul… Oui, parfois les bouquins d'anatomie classiques sont un peu foireux. Globalement, j'ai essayé d'allier un réalisme forcené à un style efficace pour mes bandes dessinées humoristiques.

LGC : Et niveau influences, mis à part celles évidentes de la BD franco-belge, quelles sont-elles ?
MLC : Je suis un grand amoureux de comics et plus particulièrement de ceux utilisant le noir et blanc intelligemment comme le font les dessinateurs espagnols et argentins à la Risso... mais pas à la manière d'un gimmick graphique comme ça a fini par le devenir avec Frank Miller. Je suis d'ailleurs un gros fan de Miller mais pas pour Sin City
LGC : Ok, comme vous parlez de Frank Miller, je me sens obligé de vous poser ma question chiante obligatoire : "Moore ou Miller ?"
MLC : J'aime vraiment beaucoup Miller, mais pour moi Alan Moore a signé la meilleure bande dessinée de tous les temps avec Watchmen, donc on va dire Moore.

L'arrivée des blogs BD au début des années 2000 m'a servi de refuge 
LGC : Miller vaincra, mais passons maintenant aux questions sérieuses. Il y a très peu d'informations dessus, mais comment avez-vous intégré la famille des auteurs de BD ?
MLC : Mes premières tentatives dans la BD datent des années 90. À cette époque j'avais un sentiment de dévalorisation du dessinateur où je croyais qu'on ne pouvait pas percer avec un crayon sans être accolé à un scénariste. J'ai donc essayé de me mettre dans l'escarcelle d'un scénariste connu mais cela ne s'est pas bien passé et suite à un désaccord avec lui, je me suis fait jeter par le comité éditorial. Déçu, j'ai envoyé des projets et essuyé des refus en masse, la palme revenant à une expérience assez traumatisante de 2003 : en pleine rue je recevais un appel du boss de Dargaud qui souhaitait me dire à quel point il avait apprécié mes planches et le fait que je pratique un "humour drôle"… et pour me souhaiter bonne chance.
Je suis ressorti de cette expérience affecté et usé par tous ces rejets successifs et j'en étais arrivé à ne plus pouvoir dessiner… L'arrivée des blogs BD au début des années 2000 m'a servi de refuge et c'est comme ça que le blog de monsieur le chien a vu le jour, en 2005, comme une sorte de thérapie et de défi à moi-même pour me prouver que je pouvais encore dessiner.
monsieur le chien est un fan de jeu de rôles et réussi à donner envie d'y jouer (si, si)
La fréquentation du blog et les retours des lecteurs ont rallumé la flamme chez moi 
LGC : Wow, je ne pensais pas que ça avait été aussi long. Et votre blog a eu tout de suite du succès ? Je dois avouer que je ne le connaissais pas encore à cette époque.
MLC : Je ne sais pas si on peut parler de succès, mais la fréquentation du blog et les retours des lecteurs ont rallumé la flamme chez moi, même si j'étais bien conscient qu'un lecteur de blog n'était pas forcément un acheteur de bande dessinée.
Et puis, les blogueurs BD ont commencé à signer chez les gros éditeurs… mais pas moi. Encore une fois, je n'étais pas dans le cadre.
Malgré tout, j'avais un certain succès sur la blogosphère et j'ai été approché par Theloma, un éditeur aujourd'hui disparu, qui souhaitait profiter de mon "public captif". C'est ainsi que ma première bande dessinée Paris est une mélopée a été publiée sous forme de reprise de mes strips de blog sans aucun travail éditorial derrière. J'ai été insatisfait du résultat mais une lectrice ayant adoré l'album m'a fait rencontrer Gotlib qui habitait dans sa rue ! C'est lui qui m'a obtenu un rendez-vous chez Fluide Glacial en 2007, mais là encore ça n'a abouti à rien car j'étais un peu "trop bizarre", même pour eux.
LGC : Et depuis, vous avez publié deux albums chez eux et je crois que d'autres sont à venir si je ne me trompe pas.
MLC : Oui. Tout d'abord, La Méthode Champion que je scénarise et qui est dessiné par Pixel Vengeur puis L'Homme au masque, une tragi-comédie aux airs d'affaire Natascha Kampusch que je scénarise et dessine dans le style semi-réaliste que j'adopte pour Didier Barcco. Mais j'ai d'autres projets plus sérieux dans les cartons (NDLR : dont je vous parlerai dans un futur article)... Ah et puis j'aimerais bien revenir à la fantasy avec la suite des aventures de Féréüs, tiens !
Tout ne fut donc pas rose pour monsieur le chien et c'est à force d'obstination et de persévérance qu'il aura fini à faire son trou dans l'univers de la bande dessinée.
Un auteur exemplaire à plus d'un titre qui, s'il peut faire grincer des dents de certains à cause de sa franchise sans filtre, ne se sera jamais compromis pour se faire publier.
Je vous invite donc vivement à jeter un œil à ses travaux afin de vous faire votre propre avis sur son blog mais également via sa fanpage et sa communauté de fans sur Facebook.




Mais qui est monsieur le chien ?

Bio
  • C'est secret ! Son blog ayant débuté en juillet 2005, on supposera qu'il est né avant.
Recette créative
  • Inspirations : Torpedo de Bernet, Clarke et Kubrick d'Alfonso FontWatchmen d'Alan Moore
  • ingrédients favoris : humour noir, auto-dérision, phrasé exquis, narration dynamique
Avec son humour féroce et ses critiques de notre société, monsieur le chien peut en déranger certains mais montre qu'on peut toujours rire de tout et le fait avec un raffinement rarement égalé (même lorsqu'il verse dans le scabreux).

Indispensables
La Fontaine de médiocrité Féréüs le Fléau
Actualité
Homoncule : autopsie d'un nobody Didier Barcco, tome 2 : Shotgun et confiseries