24.10.16

Sylvie Wolfs, l'interview : rencontre avec une auteure qui ne manque pas de mordant !

En 2016, entre The Revenant et Étunwan, les œuvres avec en toile de fond les peuples natifs américains m'ont confirmé la propension de cette thématique à faire frémir mes papilles. Quelques années plus tôt, je découvrais en effet l'auteure Sylvie Wolfs et son héroïne Jewell dans le roman Cheveux de feu, un western féministe d'une incroyable beauté sauvage. Débutant en 1845, le récit suit l'itinéraire de Jewell O’Connor, d'une Irlande frappée par la grande famine aux plaines américaines bouleversées par la conquête de l'Ouest, en passant par les gangs de New York. Championne toutes catégories de la "VDM" (NDLR : Vie De Merde), Jewell va ainsi connaitre les pires drames et injustices sans jamais se laisser briser, portée par un irrésistible désir de liberté. En parallèle de cette immigration mouvementée, Cheveux de feu nous dépeint également le chemin initiatique de Zuzeca Cik’ala IyasniPetit-Serpent-Immobile, un jeune sioux qui passera lui aussi par des épreuves aussi fortes que des guerres tribales ou la perte d'êtres chers. Deux jeunes gens de cultures différentes dont les routes finiront par se croiser grâce à ce torrent tumultueux qu'est la vie... Sincèrement impressionné, je prenais donc contact avec Sylvie Wolfs pour en savoir plus sur son processus de création. 
LGC : Bonjour, pouvez-vous vous présenter brièvement ?
Sylvie Wolfs : Je m'appelle Sylvie Wolfs. Est-ce assez bref ? 
LGC : Qu'est-ce qui vous a donné ce goût pour l'écriture ? Quelles œuvres ont participé pour vous à la construction de votre "ADN artistique" ?
Sylvie Wolfs : Ma principale inspiration est cinématographique. Depuis l'enfance, je me suis évadée grâce au cinéma et les westerns spaghettis avaient une grande place dans mon imaginaire. Et encore aujourd'hui, le cinéma est à la fois une source de réflexion et de déconnexion, même si je me suis éloignée du western et que j'aime découvrir toutes sortes de films. Avec parfois de merveilleuses surprises. Il y a quelques jours, j'ai eu un rare et véritable coup d'amour pour le film Captain Fantastic de Matt Ross, avec le sublime Viggo Mortensen. Ce film est une véritable bombe d'oxygène et d'intelligence. Ou comment traiter le drame de la perte d'un être aimé avec la lumière et l'intelligence qu'il mérite.... Car au fond, l'amour est plus fort que la mort. Un regard tellement fort également sur le rôle difficile de parent, surtout quand on ne veut/peut pas s'adapter à la société actuelle qui étouffe plus que jamais les enfants. Etant la mère très imparfaite de 6 êtres humains (plutôt très bien réussis) et ayant toujours prôné une vie alternative, ce film m'était destiné ! Il est un de ceux qui restera gravé en moi. Avant ça, il y a eu The Sea of Trees : un film réalisé par Gus Van Sant avec Matthew McConaughey. 
Sylvie Wolfs : L'écriture quant à elle est davantage un moyen qu'une fin. Pour tout dire, je n'apprécie pas spécialement les milieux littéraires que je trouve très surfaits, hypocrites et gâchés par des égos démesurés (alors que bien peu d'auteurs peuvent réellement se le permettre). Je ne me sens pas en adéquation avec tout cela. Autour de moi, je ne parle jamais écriture. Y a rien à en dire, et c'est uniquement parce que vous êtes sympa et patient que je réponds à vos questions ! J'apprécie énormément la qualité de votre blog culturel. Un sacré bon boulot !
LGC : On peut déceler un amour pour la culture des peuples natifs américains dans vos ouvrages, d'où vous vient-il ?
Sylvie Wolfs : Un mystère de la vie.... Et un mystère doit rester un mystère sinon il n'est plus un mystère ! 
LGC : J'ai vraiment adoré les deux premiers tomes de La Légende de la Femme-Louve, comment vous est venue l'idée de ce récit ? Comment s'est passé le processus d'écriture et de documentation ?
Sylvie Wolfs : Lecture, recherches, et avant tout laisser parler le fameux mystère évoqué plus haut. Il faut sentir les choses pour réussir à les faire vivre à travers les mots sinon cela reste très artificiel. Si processus il y a, il passe avant tout par les émotions et l'instinct.  
LGC : C'est une histoire âpre, cruelle mais à la fois incroyablement belle, comment dosez-vous les éléments ? La dimension féministe (fine et réussie) s'est-elle imposée d'elle-même ou bien était-ce un de vos objectifs dès le départ ?
Sylvie Wolfs : Lorsque j'écris, je n'ai aucun projet et je laisse parler l'histoire et les personnages qui s'imposent au fur et à mesure. Je n'y suis pour rien, ce n'est pas moi qui décide. Je suis un réceptacle. Par moment, il se remplit. Ou alors, il se vide et je n'ai plus rien à dire. Actuellement, il est désespérément vide... j'attends la prochaine pluie. 
"Publier, c'est facile ; éditer (au vrai sens du terme) est aussi difficile qu'écrire. A chacun son boulot. Donnant-donnant. Sinon, je resterai indépendante." Sylvie Wolfs
LGC : (J'espère que cette question n'est pas trop douloureuse) Les soucis autour de Blizzard, le tome 3 de La Légende la Femme-Louve semblent avoir été résolus, mais pouvez-vous nous en dire plus sur ce qui a posé problème ? Avez-vous une date de publication prévue ?
Sylvie Wolfs : Rien de douloureux, tout du moins maintenant, car je ne me considère pas comme un auteur (encore moins comme un écrivain) et je n'ai plus aucune ambition future, sinon peut-être finir deux ou trois romans, livrés aux quatre vents.Pour en revenir à la trilogie « La légende de la Femme-Louve », tous les éditeurs à qui j'ai confié mes romans n'ont pas tenu la route, et à plusieurs reprises je me suis retrouvée privée de perspectives éditoriales pour continuer dans des conditions respectables. L'Ivre-Book m'a demandé une réédition numérique des deux premiers tomes dans leur collection E-Western menée par Manuel Essard, et éventuellement l'édition du troisième tome « Blizzard » que je dois terminer si ce projet voit le jour. On verra ce que ça donnera. Je n'en attends rien de bon, rien de mauvais. Toutes mes déconvenues éditoriales m'ont appris l'humilité et une certaine retenue en ce qui concerne la confiance. Et finalement, c'est mieux ainsi. Un roman édité n'appartient plus à son auteur. C'est un don, on ne doit rien attendre de ce qui est donné. Je ne vois vraiment plus l'intérêt de signer un contrat d'édition avec un éditeur qui est uniquement un "publieur". Si je re-signe quelque chose qui ressemble à un contrat un jour, c'est avec un éditeur qui fait son taff d'éditeur, dont les principaux : la communication et la promotion médiatiques au-delà de Facebook ou un blog, ainsi qu'un bon placement en librairie. Publier, c'est facile ; éditer (au vrai sens du terme) est aussi difficile qu'écrire. A chacun son boulot. Donnant-donnant. Sinon, je resterai indépendante.
LGC : J'ai adoré le film The Revenant d'autant plus que je venais de relire Cheveux de Feu et que j'étais donc en plein dans l'ambiance et le contexte. Je crois que vous l'avez également apprécié, ça ne vous a pas donné envie de "donner chair à votre récit" (sous le format d'une websérie par exemple) ?
Sylvie Wolfs : Comme je l'ai dit plus haut, j'aime le cinéma et bien sûr que ce serait le rêve ultime de voir mes romans adaptés par un grand réalisateur. Mais bien sûr, cela n'arrivera jamais surtout vu le contexte actuel du milieu du cinéma qui est aussi abîmé que celui du livre.
LGC : En parlant d'autres médias, l'excellent Didier Cromwell a signé vos couvertures, comment cette collaboration est-elle née ? Pouvons-nous rêver de voir débouler une version BD ou même à la rigueur d'une version roman augmenté de quelques illustrations ?
Sylvie Wolfs : Cromwell est un des rares artistes que je respecte énormément, car il a un véritable style, une personnalité propre et parce qu'il ne fait pas de baratin. Il est un PUTAIN de dessinateur qui déchire tout, même si ce terme est limité le concernant. Il ne fait pas dans la « gentillesse » et c'est un mec bien. C'est lui qui décide ce qu'il fait ou pas. On ne peut rien lui imposer et j'aime ça. Non, il n'y aura pas de BD. J'y ai pensé un moment, mais au final ça ne rajouterait rien, car ce n'est pas un mode d'expression qui me touche personnellement.  
Concernant Ma[ca]dam Rose, plus encore qu'avec mes romans précédents, j'écris avec mon œil. Sylvie Wolfs 
LGC : Je vais arrêter un instant ma monomanie pour Cheveux de Feu pour vous poser quelques questions autour de Ma[ca]dam Rose, que pouvez-vous nous révéler sur ce road-trip américain déjanté ? 
Sylvie Wolfs : J'ai écrit ce roman au ¾ et j'espère le finir dans les mois à venir pour le proposer à des éditeurs. Le ton est très différent de ce que j'ai fait jusqu'à maintenant. Il est écrit à la première personne, au présent, et l'histoire est contemporaine. On y retrouve certains codes du western, mais c'est avant tout un roman très personnel et un peu punk que j'espère réussir à terminer cet hiver. Concernant Ma[ca]dam Rose, plus encore qu'avec mes romans précédents, j'écris avec mon œil. Une façon de dire que j'écris sous forme de scènes que je visualise et retranscris avec des mots, n'ayant pas les moyens d'en faire un film (ou ne me donnant pas les moyens...) L'écriture, je pense avoir un certain feeling avec cette forme d'expression avec laquelle j'ai une relation conflictuelle. C'est juste un moyen et la plupart du temps ça me fait vraiment chier d'en passer par là. Il en reste toujours la frustration d'une sorte "d'immédiateté" (illusoire certes) qu'on peut trouver au cinéma ou dans la musique... Ce pourquoi j'ai eu envie de créer ce blog pour partager les scènes sans attendre la sortie du roman (l'un n'empêche pas l'autre) et tout le baratin qui va autour. Je le fais autant pour moi que de potentiels lecteurs. Des passages courts, percutants, qui se suivent et à la fin forment un roman (peut-être) mais peu importe. Il manque la musique, des images mouvantes, mais j'espère que des lecteurs me rejoindront dans cet imaginaire. Un petit délire sans conséquence, plein de gros mots, et j'espère un peu plus !
LGC : Enfin, quels sont vos derniers coups de cœur, tous médias confondus ? Vous avez l'air d'être une sacrée mélomane, pouvez-vous nous proposer une playlist idéale pour lire vos livres ? (perso, j'ai écouté pas mal d'Alela Diane et de Meg Myers pour le tome 1, vous connaissez ? Si vous me faites une liste de chansons, je serai ravi de créer une playlist sur Spotify comme je l'ai fait pour le comic book Rat Queens)
Sylvie Wolfs : Les Doors et toute la musique rock des années 70. Tapez « Woodstock 1969 » sur Google et vous trouverez ce qui me fait vibrer. Born to be wild ! En fait, j'aurais préféré être une rockeuse de cette époque, genre Janis Joplin, plutôt que n'importe quoi d'autre. Et surtout pas écrivain ! 
Si Sylvie Wolfs n'est pas une rockeuse avec des fleurs dans les cheveux, ses romans irradient bel et bien de cet esprit de liberté. Si vous aimez les histoires percutantes, vous êtes à la bonne enseigne avec ses romans. 
[UPDATE]
Sa nouvelle création, Ma[ca]dam Rose, a donné des ailes à Sylvie et l'a mené vers la voie de l'autoédition avec la création de son propre label : Laguasso. Nous avons hâte d'en savoir plus !

Sources images : la page Facebook de Sylvie Wolfs, France Info

Mais qui est Sylvie Wolfs ?

Bio
  • Nom complet : Sylvie Wolfs
  • Année de naissance : 1966
  • Nationalité : française
Recette créative
  • Inspirations : Les westerns et le cinéma en général, le rock esprit Woodstock, la culture amérindienne
  • ingrédients favoris : des personnages féminins forts, les quêtes de liberté, la beauté et la cruauté de la vie


Sylvie Wolfs est une créatrice pure et dure. Si elle n'avait pas su écrire, elle aurait forcément trouvé un moyen d'exprimer à la face du monde les folles idées qui lui passent par la tête. Fan de cinéma et animée par l'esprit de liberté très rock des années Woodstock, l'auteure fait transparaître dans ses œuvres, qu'il s'agisse d'épopées dans le grand Ouest américain du XIXe siècle ou de road-trips explosifs plus contemporains. 

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