17.6.16

Étunwan fait revivre l'Ouest sauvage américain [Coup de cœur]

Je n’ai jamais vraiment aimé utiliser le terme de roman graphique. Je trouvais que cette appellation servait un peu trop d’alibi à une certaine catégorie de personnes souhaitant se distinguer des lecteurs de bandes dessinées " classiques "… J’ai donc décidé d’employer ce qualificatif avec parcimonie et de ne le réserver qu’aux ouvrages dont la composition graphique et narrative emprunte avec brio les codes de la littérature et de la bande dessinée.
Avec ses magnifiques planches contemplatives et ses envolées lyriques, Étunwan : celui-qui-regarde vient d’entrer haut-la-main dans ce club ultra-select ainsi que dans celui (encore plus restreint) de mes coups de cœur absolus.
Prenant place dans l’Amérique de la fin du XIXe siècle en plein "domptage" de la nature sauvage et de ses peuples natifs par l’homme blanc, Étunwan est doté de cette beauté mélancolique propre aux œuvres dépeignant des temps bientôt révolus. On y suit Joseph –un photographe de Pittsburgh– qui devait juste participer à une expédition scientifique en territoire Sioux mais qui finit par tomber amoureux de l'environnement et la culture de cette civilisation en passe d'être bouleversés à jamais. Au retour de sa mission, il décide donc de monter sa propre expédition spécialement dédiée à l'observation et à la photographie de ces natifs américains, plusieurs décennies avant les travaux –magnifiques mais factices– d'Edward Curtis.
Vous vous dites déjà "Chouette ! Une plongée dans l'Amérique sauvage avec de la photo en mode #NoFilter en plus" ? Attendez, un peu : ce pitch de base qui aurait suffi à nous délivrer une expérience narrative contemplative sur fond de naturalisme n'est que le face émergée de l'iceberg Étunwan. L'expédition de Joseph ira ainsi plus loin que sa visée naturaliste initiale et le photographe découvrira –entre autres– Charles Baudelaire ainsi qu'une face de sa propre personnalité qui s'éveillera au contact de cette nature sauvage et ensorcellante. Une œuvre définitivement riche et vibrante de passion(s) donc, narrée et illustrée avec maestria par un Thierry Murat (Les larmes de l'assassin, Le Vieil homme et la mer...) qui aborde avec ce récit des thématiques qui lui sont chères comme l'histoire des peuples natifs américains ou la photographie ancienne. 
Vous l'aurez compris, Étunwan est pour moi un gros coup de cœur avec une recette reprenant les meilleurs ingrédients de la bande dessinée et de la littérature (on ira chercher du côté des auteurs américains du XIXe siècle, là). En lisant cet ouvrage, vous serez assurément un émerveillement de chaque instant provoqué soit par les magnifiques doubles pages sépia soit par la plume fiévreuse de Joseph / Thierry Murat
En ces temps de culte de l'instantanéité et de l'intensité (dans la photographie également), Étunwan constitue une parenthèse contemplative rafraîchissante et donc un indispensable à obtenir et à offrir.

Alors, ça a quel goût Étunwan ?

Caractéristiques principales
  • Genre : Roman graphique, historique
  • Style graphique : Éthéré, toiles sépia
œuvres similaires
  • BD et romans : La Ruée vers l'Ouest, Paroles indiennes
  • Ciné & TV : In the land of the Head Hunters, Dead Man
  • Musique : La folk indienne d'Alela Diane ou de Mariee Sioux
Étunwan est une œuvre poétique et intimiste qui ravira les amateurs de photographie et de récits sur les Amérindiens.

Étunwan : celui-qui-regarde
Auteur : Thierry Murat
Éditeur : Futuropolis
Nombre de pages : 160 pages
Prix : 23 €