3.5.16

Focus : découvrez Matthieu Bonhomme et son Lucky Luke sans filtre

Avec la tendance au revival et à la modernisation de figures incontournables de la pop culture, le terme "hommage" a eu un peu trop tendance à être galvaudé, devenant un adjectif de légitimation commercial et marketing plutôt qu'artistique (vous voulez des noms ? Je suis un Goûteur, pas un délateur... oui, je suis un peu lâche aussi). C'est comme ça : les vrais hommages ont fini par prendre des airs de licornes avec leur caractère fabuleux mais ô combien rare.
Du coup, lorsque Dargaud a annoncé que Matthieu Bonhomme allait nous proposer un album hommage à Lucky Luke, mon palais a tout de suite frémis d'excitation à la perspective de savourer le travail d'un auteur talentueux sur une œuvre aussi importante dans la composition de son ADN artistique.
Matthieu Bonhomme c'est –pour ceux qui ne le connaissent pas encore (ça existe, on ne leur en veut pas, mais après cet article ils n'auront plus aucunes excuses)– un des représentants les plus talentueux d'une génération d'auteurs quadragénaires biberonnés aux classiques et ayant eu l'opportunité de faire leurs premières classes sous le regard bienveillant de légendes comme Jean-Claude Mézières (Valérian et Laureline) ou Serge Le Tendre (La Quête de l'oiseau du temps).
Avec de tels mentors et une approche aussi sensible qu'esthétique de la narration, Matthieu Bonhomme obtiendra un Alph-Art en 2004 avec L'Âge de raison, bluffera les amateurs de récits d'aventure avec Le Voyage d'Esteban et attirera l'attention d'une autre pointure de la BD, Lewis Trondheim, avec lequel il signa Texas Cowboys, la série qui lui donna l'envie de revenir vers le western et de proposer à Dargaud de dessiner un album de Lucky Luke.
Le résultat ? Une bande dessinée résolument moderne tout en faisant preuve d'une fidélité sans failles aux origines du personnage que l'auteur avait la lourde tâche de réinventer, le temps d'un one shot (NDLR : aventure unique). En réalité, je crois que si L'Homme qui tua Lucky Luke plait autant, c'est parce que les lecteurs ont ressenti que derrière l'hommage se cache une œuvre personnelle habitée par l'ADN de son créateur : en plus de ses nombreuses influences western, Matthieu Bonhomme avoue également y avoir mis beaucoup de sa personne et de ses réflexions (son rapport à la fraternité et plus généralement aux responsabilités qu'ont les grands frères vis-à-vis de leurs cadets). Chapeau.


Un sacré pedigree et un album mené de main de maître qui me poussèrent à m'éclipser d'un événement familial en plein après-midi et à slalomer entre des véhicules d'une course vintage pour rencontrer l'auteur lors d'un événement organisé par la Librairie Bulle afin de lui poser quelques questions au sujet de sa reprise virtuose du "cowboy qui tire plus vite que son ombre".
LGC : Bonjour Monsieur Bonhomme, merci d'avoir accepté de répondre à mes questions après cette journée marathon de dédicaces ! On va commencer en douceur : pouvez-vous m'indiquer comment vous avez attrapé le virus de la BD et quelles sont vos trois œuvres cultes ? 
Matthieu Bonhomme : Quand j'étais petit, je lisais principalement des bandes dessinées tandis que je n'appréciais pas vraiment la lecture de romans. J'étais emporté à chaque fois et ça m'a donné goût au dessin. Si je ne devais retenir que trois albums, ce serait forcément un Lucky LukeLe Pied-tendre, je pense– de Morris et Goscinny, La Ballade de la mer salée (NDLR : la première histoire de Corto Maltese) d'Hugo Pratt et enfin À la recherche de Peter Pan de Cosey.
LGC : Et vous n'avez jamais été attiré par un autre métier ? 
Matthieu Bonhomme : Non, la bande dessinée ça a toujours été un rêve pour moi et je me suis empressé de le réaliser dès que je me suis rendu compte que c'était un métier : quand j'étais petit, je ne m'en rendais pas compte mais je mourrais déjà d'envie d'en faire. Je me suis un peu essayé à la musique mais le résultat était affreux, je ne suis vraiment pas fait pour ça (rires).
LGC : Ah, vous êtes également un amateur de musique ? Vous dessinez en musique ? Vous avez démontré durant la rencontre de tout à l'heure que vous avez une grosse culture western cinématographique mais qu'en est-il des autres médias ? Vous lisez des romans, vous avez joué au jeu vidéo Red Dead Redemption ?
Matthieu Bonhomme : Oui, je suis un gros fan de musique. J'adore le rock alternatif et les BO de films ! Je me fais des playlists pour bosser en fonction des ambiances de mes récits : lorsque je dessine des westerns c'est playlist western. Je ne joue pas aux jeux vidéo mais je consomme pas mal de films et de romans en tant que sources de documentation potentielles. Sur ma table de chevet, un roman sur deux est une lecture d'évasion et d'aventure.
Un extrait présentant deux des pirouettes narratives et artistiques utilisées par Matthieu Bonhomme
LGC : Pour revenir au western qui nous intéresse et son cowboy, auriez-vous accepté de reprendre un autre personnage culte que Lucky Luke ? On a vu Corto Maltese et Bob Morane revenir sous les crayons de nouveaux dessinateurs, avez-vous eu d'autres propositions ?
Matthieu Bonhomme : On m'a proposé de reprendre des séries comme XIII, Spirou ou Blake et Mortimer mais je refusais à chaque fois en disant que je voulais un Lucky Luke. Par contre je souhaitais que ce soit un hors-série pour la liberté d'expression et ne pas avoir à "dessiner comme". 
LGC : Dernière question pour finir et vous laisser enfin souffler un peu. Dans Le Voyage Esteban, vous embarquez le lecteur dans l'univers des chasseurs de baleine du début du vingtième siècle et dans L'Homme qui tua Lucky Luke, vous abordez la fin de l'ère des cowboys : avez-vous une prédilection pour les thèmes crépusculaires et les changements d'époques ? C'est pour donner une touche poétique à vos récits ?
Matthieu Bonhomme : En fait, je me fie plutôt aux territoires d'aventures, les changements d'époques sont juste propices à celles-ci. Pour ce qui est de la poésie qu'on peut déceler dans mes récits, c'est plutôt dû à mon interprétation et à mes émotions personnelles que je veux leur insuffler.
LGC : Un grand merci pour vos réponses, bon retour à Paris !
Bonus : Avant d'enfourcher son cheval de fer pour quitter l'ouest et ses terres mancelles, Matthieu Bonhomme pris le temps de poser devant l'affiche réalisée par ses soins pour l'occasion, avec Samuel Chauveau, le fondateur de la librairie Bulle ainsi que les cowboys de l'association La Valise à cheval qui avaient assuré des animations et une ambiance dignes du temps de notre cher Lucky Luke.

Alors, ça a quel goût
L'Homme qui tua Lucky Luke ?

Caractéristiques principales
  • Genre : western
  • Style graphique : franco-belge, semi-réaliste
œuvres similaires
  • BD et romans : les Lucky Luke de Morris, Le Sang des Dalton
  • Ciné & TV : Impitoyable, L'Homme qui tua Liberty Valance,  
  • Jeux Vidéo : Red Dead Redemption, Gun
  • Musique : les BO de westerns, de la folk à la Neil Young


Même s'il s'agit d'un one shot à ne pas intégrer dans le canon de la série, L'Homme qui tua Lucky Luke a su saisir tout ce qui faisait le sel des premières aventures du cowboy solitaire tout en gardant une identité propre savoureuse. Le Lucky Luke de Matthieu Bonhomme est à l'image de son auteur : une pépite d'or pur !


L'Homme qui tua Lucky Luke
Auteur : Matthieu Bonhomme
Éditeur : Dargaud
Nombre de pages : 64 pages
Prix : 14,99 €