11.5.16

Rencontre avec une partie de l'équipe de la librairie Bulle, l'institution BD du Mans

Si quelqu'un m'avait dit il l'année dernière, à la même période, que j'apprécierais de vivre au Mans, je lui aurais ri au nez comme s'il m'avait annoncé que je mettrai un album de rap français dans mes coups de cœur culturels de 2015. Depuis, j'ai écouté l'album Négritude de Youssoupha et j'ai fini par découvrir les richesses qu'avaient à m'offrir l'ancienne capitale Cénomane.
Je ne m'attarderais pas sur ses habitants chaleureux et son cadre de vie bien plus agréable qu'il n'y paraît au premier abord ni sur son circuit automobile ou ses rillettes mondialement réputés. Ça a bien sûr joué, mais ce qui m'a définitivement conquis est un trésor caché, inestimable pour tout fan de bandes dessinées qui se respecte : la librairie Bulle.

Inaugurée en janvier 1983, cette véritable institution de la vie culturelle mancelle a su créer une réelle marque de fabrique basée sur l'événementiel et la qualité de service, séduisant aussi bien les clients que les maisons d'édition et leurs auteurs. Nous sommes en 2016, trente trois ans ont passés, la librairie a quitté ses locaux du Vieux Mans pour s'installer en plein centre-ville mais la flamme semble brûler comme au premier jour dans le cœur de Samuel Chauveau, son fondateur qui a su s'entourer d'une équipe éclectique et passionnée. Ils s'appellent CoralieDominique, Élisa, Frank, Ginette, Lilian, Mathieu, Matthieu et Philippe et j'ai eu l'honneur de pouvoir interviewer quelques-uns de ces super libraires.
Voici leurs portraits dans l'ordre des interviews réalisées entre décembre 2015 et mars 2016 (c'est que ces gens-là ne font pas semblant de bosser et ont difficilement du temps pour tailler le bout de gras) :
Le Goûteur Culturel : Bonjour Frank, ravi de commencer ces interviews par toi ! Peux-tu te présenter et nous raconter comment tu es arrivé dans l'équipe Bulle
Frank : Je fais partie des "anciens" avec Philippe (rires). Je suis arrivé en 1996 –quand la librairie était encore dans le Vieux Mans– mais j'étais client depuis 1984.
LGC : Manceau d'origine, donc ? Et tu as fait des études de libraire à la base ?
Frank : Oui, je suis un Manceau pur jus. Mes études et mon parcours n'avaient rien à voir avec le monde de la librairie, même si j'ai toujours été lecteur de BD. J'ai fait un CAP de serveur ainsi qu'un BTS informatique et j'ai été serveur avant de finalement travailler pour Bulle en 1996, quand Samuel m'a proposé de rejoindre l'équipe.
LGC : Et du coup, d'où te viens ton amour pour la BD ? Comment es-tu tombé dans la marmite ? Avec quelles œuvres ?
Frank : J'y suis tombé tout-petit, lorsque j'ai été inscrit à la bibliothèque pour tous des Sablons, chez ma grand-mère. Les premières BD à m'avoir marqué sont Astérix, Léonard et Robin Dubois.
LGC : Des classiques indémodables ! Et sinon, en tant que libraire, tu t'es spécialisé dans un genre en particulier ?
Frank : Je suis un gros lecteur de BD franco-belge et de mangas. Mes coups de cœur vont ainsi de bandes dessinées comme Sur les Ailes du monde –un beau récit sur l’ornithologie sur fond de voyage en Amérique– ou  La Passion de Dodin-Bouffant –une BD autour de la grosse bouffe, pour laquelle nous avons organisé un événement pot-au feu (rires)- à Initial D, vu que je suis un grand fan de bagnoles !
Un des zombies de l'événement Walking Dead organisé à l'Abbaye de l'Épau, le 25 septembre 2011
LGC : Pour finir, quel est ton "moment de librairie" le plus marquant ?
Frank : Oh, il y en a eu plein, je ne pourrais pas me contenter d'en citer un. Disons que dans mon top, il y a la rencontre avec Van Hamme (XIII, Largo Winch...) au Palais des congrès, la "Zombie Walk" organisée à l'Abbaye de l'Épau pour la venue de Charlie Adlard (The Walking Dead...). Mais ce sont surtout les remerciements des clients après qu'ils aient adoré un titre conseillé par mes soins. C'est pour ça que je m'efforce de tout lire pour être d'un vrai conseil pour eux.
LGC : Bonjour Philippe, pourrais-tu nous raconter l'histoire de ton arrivée chez Bulle
Philippe : Je suis un ami de longue date de Samuel mais je suis arrivé en 2001, en même temps que le matériel informatique. Jusqu'à l'année dernière, j'ai cumulé mon poste avec un métier de commercial dans la chimie en parallèle.  
LGC : Et comment es-tu tombé dans la marmite BD ?
Philippe : Je suis tombé dedans tout gamin, quand on allait emprunter des BD avec Sam à la bibliothèque rue de la Reine Bérengère. C'était évidemment avec de la BD franco-belge avec Les Schtroumpfs, Gil Jourdan mais aussi des revues BD hebdomadaires.
LGC : C'est une longue histoire d'amour avec la BD et avec Samuel. Comment en êtes-vous arrivé à travailler ensemble ? Quel est ton rôle dans l'équipe ?
Philippe : À la base, je n'ai pas un cursus de professionnel du livre mais plutôt un profil "informatique", j'ai ainsi répondu au besoin d'informatisation de la librairie en 2001 en commençant par une douzaine d'heures par semaines, comme je le disais plus tôt. Maintenant que la librairie occupe 100% de mon temps de travail, j'ai un rôle administratif, je gère les appels d'offres et je conseille bien entendu les clients.
LGC : En parlant de conseil, quelle est ta spécialité ? Tu es resté fidèle à la BD franco-belge ou tu as "dévié" en chemin ? Quels sont tes "moments de librairie" ?
Philippe : Je reste un grand amoureux de bandes dessinées franco-belges mais je ne suis pas très calé comics et je ne lis pas du tout de mangas. Pour le "moment", ce serait d'avoir vu 2000 personnes se déplacer à l'Abbaye de l'Épau pour la venue de Zep.
LGC : Salut Lilian ! On s'était rencontrés plusieurs fois à Angers dans la librairie Le Repaire des héros, comment es-tu arrivé au Mans et dans l'équipe Bulle ? As-tu suivi une formation autour des métiers du livre ?
Lilian : Oui, j'ai effectivement vécu un temps à Angers, mais je suis Sarthois d'origine. J'ai fait un BTS biochimie et Génie bio mais je suis devenu libraire par passion. Samuel était mon libraire quand j'étais petit et il m'a offert l'opportunité de rejoindre son équipe au moment du déménagement, j'ai donc sauté sur l'occasion.
LGC : Et quelles sont tes spécialités ? Comment es-tu tombé dans la bande dessinée ?
Lilian : Oh, je crois que je suis assez éclectique même si j'ai commencé comme pas mal de monde par de la BD franco-belge avec Astérix, Boule et Bill et Gaston mais j'adore également les comics et les romans graphiques.
LGC : Et sinon, quel est ton meilleur souvenir de libraire ?
Lilian : Je crois que c'est la rencontre avec Zep et la découverte de la générosité de cet auteur qui a fait plus de 120 dessins et n'a laissé aucun gamin repartir les mains vides. D'ailleurs, je crois que ce qui me touche le plus, c'est la gentillesse des auteurs lors des événements ! Ah et il y a eu aussi mon premier Noël dans l'équipe et les retours des clients satisfaits de mes conseils !

LGC : Bonjour Madame Ginette ! Depuis combien de temps travaillez-vous avec votre fils ? Vous n'avez pas émis de réticences quand il s'est lancé ?

Ginette : Je suis là depuis l'ouverture en 1983. Je n'ai pas freiné Samuel même s'il s'est lancé très jeune. À la base, je donnais juste un coup de main pour ranger et nettoyer mais j'ai fini par intégrer l'équipe quand la sœur de Samuel s'est mariée. Il avait ouvert la boutique avec elle et du coup j'ai proposé de la remplacer pour éviter qu'il soit seul à la barre.
LGC : Et personnellement, vous étiez déjà une lectrice de bandes dessinées ?
Ginette : Oh oui, je suis une amatrice de BD. Quand j'étais petite je lisais les aventures de Rip Kirby, c'était une lecture typiquement masculine mais j'aime les enquêtes et les westerns (j'ai adoré Undertaker) ! Je lisais également Tintin ainsi que les magazines de mes copines : je me souviens particulièrement de Fripounet et Marisette ! Je lis aussi des mangas et dernièrement j'ai adoré Tony Chu, même si en général je trouve que les comics vont trop vite.
LGC : C'est super cool ! Et avant de travailler dans la librairie, que faisiez-vous ? Quels sont les moments de libraires qui vous ont marquée depuis que vous faites ce métier ?

Ginette : J'étais femme au foyer. Mes moments préférés sont sans hésiter les rencontres avec les auteurs à l'époque où Sam venait de se lancer. Il fallait batailler pour les faire venir et se créer un réseau, mais c'était tellement émouvant. Je me souviens encore de la venue de Jean-Louis Pesch (Sylvain et Sylvette). Après j'adore également ce qu'on fait maintenant comme la venue de Vance en hélicoptère, la "Zombie Walk" pour The Walking Dead ou encore la venue d'Enki Bilal. J'adore quand le contact humain est chaleureux et enrichissant.
LGC : Salut Matthieu, quand es-tu arrivé dans l'équipe Bulle ? Quel est ton rôle ?

Matthieu : Je suis arrivé le 1er août 2013, avant ça, je donnais un coup de main à la librairie pour la 25e Heure du livre et pour les animations pendant 15 ans. J'ai fait des études commerciales à la base avec un BTS NRC en apprentissage puis j'ai travaillé pour Mondial Assistance. En fait, je me suis formé sur le tas en interne à la vente et à la gestion des stocks avec Franck. Je gère l'arrivage des nouveautés en début de semaine, du coup je suis de repos vendredi.
LGC : Et quand es-tu tombé amoureux de la bande dessinée ? Tu t'es spécialisé dans un genre pour le travail ?

Matthieu : J'étais tout-petit et je n'étais pas vraiment un gros lecteur de romans mais j'adorais lire les BD. J'ai commencé avec les Blake et Mortimer, Tintin et Astérix de mon père et au final ça m'a donné le goût de la lecture. Aujourd'hui, je suis spécialisé dans la BD jeunesse ainsi que dans les classiques, ce qui me rend complémentaire avec les autres car je ne lis pas beaucoup de comics.
LGC : Pour finir, quel est ton "moment de librairie" ?

Matthieu : Il est plutôt récent, c'est la sortie du Tintin en patois Sarthois et tout le projet monté autour par Bulle ? Le "Tintinophile" que je suis est aux anges !
LGC : Salut Mathieu, peux-tu me raconter ton arrivée dans l'équipe ?

Mathieu : Je bossais dans la fonction publique juste avant, pour la bibliothèque départementale de la Sarthe. Je conduisais le bibliobus pour effectuer la rotation des ouvrages entre les bibliothèques. J'étais client de la boutique et j'ai travaillé avec la librairie lors d'animations en commun à l'Abbaye de l'Épau et Samuel est venu me chercher 6 mois avant l'ouverture pour faire l'inventaire ainsi que du repérage. En avril 2013, j'intégrais l'équipe.
LGC : Tu as suivi quelle formation pour faire cela ? Bibliothécaire ?

Mathieu : Non, non, j'ai un diplôme de couvreur zingueur et j'ai été pompier dans une autre vie, du coup j'ai pu passer le permis poids lourds qui m'a servi plus tard à occuper le poste de conducteur du bibliobus.
LGC : Et pour la BD, quand est-ce que tu es tombé dedans ? Tu as un genre de prédilection ?

Mathieu : J'ai commencé enfant par les Tintin et Pif Magazine. Maintenant je lis de tout et dans la librairie, je m'occupe essentiellement des rayons BD adultes, documentaires et tranches de vies ainsi que des comics. J'ai une grosse affinité avec l'indé' en général.
LGC : Terminons par ton moment de librairie préféré, il y a des événements ou des réactions de clients qui t'ont marqué ?

Mathieu : Le Rallye Tintin, sans hésiter : Samuel avait rencontré Moulinsart pour faire un rallye déguisé, du Mans à Cheverny. Ça a donné lieu à une grosse fête et à un engouement populaire avec des gens déguisés en Castafiore ou en Professeur Tournesol et un défilé de belles bagnoles ainsi qu'un concours de déguisement pour les enfants.

LGC : Bonjour Élisa, tu es la plus jeune de l'équipe, je crois. Quand es-tu arrivé chez Bulle ?

Élisa : J'ai fait un apprentissage de 2013 à 2015 dans la librairie pour valider mon Brevet Professionnel de libraire et j'ai finalement signé un CDI en août dernier.
LGC : Oh ! Tu es la première interviewée issue d'une formation des métiers du livre ! Quand et comment est-ce que tu es tombée dans la bande dessinée ?

Élisa : En fait c'est relativement récent. Ça date de mon emménagement au Mans, il y a cinq ans. J'ai eu le coup de foudre quand je suis entrée dans la librairie bulle et que j'ai découvert que l'univers de la BD était plus vaste que les Astérix que je lisais étant enfant, même si j'y suis bien entendu très attachée.
LGC : Niveau de tes lectures, quel est ton rayon de prédilection ? As-tu un moment de librairie en tête ?

Élisa : J'ai des goûts assez éclectiques mais je me suis plus spécialisée dans la BD jeunesse et dans les mangas. Mes moments préférés sont ceux où les enfants et leurs parents reviennent satisfaits de mes conseils.
Après avoir pu interviewer les libraires, je m’entretenais enfin Samuel le fondateur de l'établissement, entre deux de ses organisations d'événements. Nous nous installâmes donc dans l'annexe de la libraire dédiée aux expositions, un mardi matin afin de terminer cette série de rencontres.
LGC : Bonjour Samuel, merci d'avoir pris du temps pour m'accorder cette interview ! Peux-tu te présenter rapidement et me dire comment tu en es arrivé à devenir libraire ? Qu'est-ce qui t'as donné goût à la bande dessinée ?

Samuel : Je suis né en 1962 et j'ai grandi avec Gil Jourdan, Spirou et les classiques des années 70 que mon père m'achetait. Ensuite, je me suis fourni à la bibliothèque rue de la Reine Bérengère dans le Vieux Mans. Elle était tenue par des sœurs bénédictines, les sorties d'ouvrages étaient payantes mais peu chères.
Après le bac, dans les années 80, j'ai commencé à travailler l'été à la MMA en tant que fils d'employé. Je gagnais à peu près 700 euros / 4000 francs par mois et c'est là que j'ai commencé à acheter de la BD chez Doucet et à L'Athanor.
À la fac, j'allais tout le temps chez Doucet et je commençais à m'intéresser aux éditeurs en plus des bandes dessinées au point où la librairie appelait parfois à la maison pour avoir des informations. C'est à cette époque que la question à commencer à se poser quant à l'ouverture d'une librairie.

En parallèle, je ne brillais pas vraiment sur les bancs de la fac : ça ne m'intéressait pas du tout à vrai dire (rires). Après de brèves études de Droit puis de Lettres, j'ai abandonné les études quand on m'a offert un job de pion et donc la possibilité de gagner de l'argent. Je commençais à essayer de trouver un pas-de-porte dans le Vieux Mans mais c'était bien trop cher.
En 1982, lors d'une ballade avec ma sœur dans le Vieux Mans que je suis tombé sur le pas-de-porte de l'ancien local. Après renseignement, je me suis rendu compte qu'il n'était pas cher, je me suis donc lancé et la librairie ouvrait en 1983... En fait, j'aurais pu ouvrir dès novembre 1982 mais, en bon commerçant, j'ai préféré laisser passer les fêtes (rires).
Ancien local Bulle The Valiant
LGC : Et ça n'a pas été trop dur au début ? Comment as-tu réussi à "faire ton trou" ?

Samuel : Il a vraiment fallu carburer dur au début et utiliser le bouche-à-oreilles pour faire venir les auteurs. Le premier d'entre eux fut Jean-Louis Pesch qui était l'ancien propriétaire du bâtiment. Il me conseilla ensuite d'inviter Pierre Makyo, l'auteur de La Balade au bout du monde. C'était un des plus gros succès des années 80 et j'ai pu avoir l'auteur en dédicace pour la sortie du tome 4 dans un restaurant du Vieux Mans (anciennement à la place du restaurant Ô Bon Soir). Les dédicaces se faisaient d'ailleurs souvent en dehors des murs et il m'a fallu une dizaine d'années pour pouvoir vivre de mon activité : je n'avais pas de formation de gestionnaire mais j'étais boosté par la passion !

Trois ans après l'ouverture, j'ai eu un concurrent dans la cité commerciale souterraine développée durant les travaux. Il me menaça de causer ma faillite en moins d'un an et ça aurait pu être le cas vu qu'il était plus mature que moi, mais c'est lui qui a fini par fermer. Ça a créé un déclic chez moi et j'ai commencé à me professionnaliser et à rôder ma méthode.
On a également eu la chance d'avoir le support des journalistes locaux et de bénéficier du boom des librairies spécialisées dans les années 80. C'était une époque où la presse BD était plus importante que les albums de bandes dessinées, un âge d'or de la prépublication où il sortait moins de trois cent albums par ans.
Samuel : Dans les années 2000, il y a eu une accélération des dédicaces et on les organisait dans le hall d'entrée de la boîte en face –qui était une boîte gay (rires)– ça avait un côté convivial et on faisait également des dédicaces dans la rue en été.
À un moment, le stock a fini par dépasser les cinq mille bandes dessinées et il a fallu acheter un local pour les stocker... puis, comme j'ai toujours eu un grand amour pour les figurines, nous avons ouvert une annexe dans la même rue pour en vendre.

Bulle était devenue une des dix plus grandes librairies de France et je crois que j'ai également "grandi" en même temps que mon commerce qui comptait alors cinq employés. J'avais mûri avec l'évolution du marché de la bande dessinée et sa diversification. Le métier devenait de plus en plus intéressant avec des œuvres séduisant un plus large public la possibilité de devenir acteur et même passeur.
Du coup, quand on m'a proposé Enki Bilal en dédicace, je me voyais mal mettre en place la rencontre dans le Vieux Mans. On a donc pris contact avec les services de la Bibliothèque départementale en septembre 2003 pour organiser l'événement à l'Abbaye de l'Épau et avec le bouche à oreilles et la presse, plus de 400 personnes se sont déplacées pour une assister à une rencontre sans aucune dédicace à la clé.
LGC : Et à quel moment as-tu décidé qu'il était temps de changer de locaux et d'agrandir la librairie pour pouvoir répondre à tes ambitions ?
Samuel : Au bout de trente ans de librairie dans le Vieux Mans, ça commençait à être vraiment compliqué. Heureusement, mon voisin et ami architecte avait la même problématique de logistique et d'infrastructure. Nous voulions déménager pour continuer nos activités tout en restant voisins, du coup nous avons fait des visites ensemble jusqu'à avoir un coup de foudre pour la friche où nous sommes installés en ce moment.
La friche avant travaux
Samuel : Ce nouveau local, cette "nouvelle Bulle" représentait pour moi une nouvelle vie, une étape supplémentaire dans mon métier. Elle me permettait d'être en adéquation avec la nouvelle image du libraire que je me faisais : un plus grand professionnalisme et un sens esthétique au service de l'humain.
LGC : J'ai pu voir ça avec les membres de ta petite équipe. ils ont tous des profils différents mais ont tous le même amour dévorant pour la BD. Je vais donc te poser la même question qu'à eux : quel est le moment de librairie qui t'a le plus marqué ?

Samuel : J'en ai deux, je pense : le procès contre la Fnac pour la jurisprudence autour de la loi du prix unique du livre (NDLR : la Loi 81-766 du 10 août 1981 ou Loi Lang vise à éviter que les points de ventes ne fixent des prix différents pour les livres. La concurrence se fait donc par le service et non par la capacité à casser les prix) et les événements à l'Abbaye de l'Épau.
Le procès avec la Fnac a eu lieu alors que j'étais encore un jeune libraire et que je découvrais mes collègues, notamment un Belge qui attaquait la Fnac pour ses pratiques de discount sur les livres : il en avait marre car il avait traversé la frontière justement pour ne plus devoir se battre contre la grande distribution sur ce point. Nous nous sommes regroupés à trois libraires –Nantes, Le Mans et Grenoble– pour suivre le procès, puis pour se battre pour faire respecter la loi dans toute la France. Nous –les libraires spécialisés BD– avons réussi à faire plier la Fnac et à la faire rentrer dans la légalité en gagnant les procès de Lille et du Mans en 1993 !

Les événements à l'Abbaye de l'Épau ont été un tournant important pour moi, aussi bien dans ma relation avec les éditeurs que pour le côté pédagogique et profond qu'elles apportent aux rencontres. Pour moi, la bande dessinée doit garder son côté populaire et convivial, ce qui colle parfaitement avec ce lieu magnifique.
D'ailleurs, je crois que je ne suis pas le seul à apprécier ce côté populaire de la BD quand je vois le succès des Vieux Fourneaux. Cette série a été un événement marquant aussi bien au niveau qualitatif que pour son symbole économique (c'est une bande dessinée qui vend !).
LGC : Merci Samuel pour toutes ces réponses ! Vivement la prochaine rencontre à L'Épau !
La discussion avec Samuel avait duré plus d'une heure et je rentrai chez moi, le carnet bourré d'anecdotes et de découvertes sur le Mans –une ville décidément pleine de surprises et d'amoureux de phylactères–  tout en me disant que j'aurais pu tomber plus mal...
Dix minutes plus tard, devant la porte d'entrée de mon immeuble, je me rendais compte que j'avais oublié mes clés chez moi, mais ceci est une autre histoire qui n'enlève rien à la qualité de la ville.

Alors, pourquoi et comment aller à Bulle ?


Caractéristiques principales
  • Commerce : Librairie indépendante
  • Spécialité : Vente de bandes dessinées, mangas, comics et produits dérivés autour de la BD
Coordonnées
  • Adresse : 13 rue de la Barillerie, 72000 Le Mans
  • Numéro de téléphone : 02 43 28 06 23
Plus qu'une simple librairie, Bulle est pour nombre d'habitants du Mans une véritable institution qui a su profondément implanter son amour pour la bande dessinée dans le tissu local.