3.2.16

Spécial Angoulême - Glory Owl : l'interview en roue libre

Angoulême, dans la soirée du samedi 30 janvier, pendant que se déroulait une farce cruelle dans la salle de remise des prix, je rencontrai quatre* membres de Glory Owl, un collectif d'auteurs maniant un humour corrosif et de mauvais goût avec une rare maîtrise. À une époque où on ne semble plus vraiment savoir ce qui est drôle ou pas, découvrez un groupe d'auteurs pouvant faire office de phare au cœur des ténèbres humoristiques.

* Le cinquième, Bathroom Quest, ayant vaillamment participé à une course de vélo entre auteurs sous la pluie, son absence fut largement excusée. Repose en paix, as de la pédale !


Le Goûteur Culturel : Bon, pendant que vous êtes encore un peu tenables, dites-moi comment vous en êtes arrivés à la BD et à dessiner
J. J. Charogne : Moi je scénarise, mais comme je me fais chier en interview pendant que les autres dédicaces, je me suis mis au dessin récemment haha !
Gad : Moi j'ai eu un déclic à 5 ans, devant le clip Black and White de Michael Jackson. J'en avais fait une parodie BD où Michael chutait de la Statue de la Liberté à la fin. Et puis ça a explosé au lycée : je dessinais tout le temps quand je me faisais chier.
LGC : Ouais, bel esprit pour un enfant de 5 ans... Charogne, tu dis que ton truc c'est la scénarisation, mais pour ça aussi, tu as dû avoir un déclic, un premier fait d'arme ?
Charogne : Ouais, c'était à 11 ans, j'avais écrit une histoire de samouraï robot bien énervé qui venait buter des gens chez eux en traversant les murs parce que les portes c'est pour les *censuré*, c'était ça le running gag. Je me suis vraiment remis à écrire il y a 4-5 ans, quand les jeux vidéo m'ont saoulé et c'était nickel : Glory Owl était en train de signer chez AAARG! mais tous leurs strips se faisaient recaler, je leur ai donc proposé quelques idées qui ont été acceptées par le mag et c'était parti !
"on construit Glory Owl via un "thread" Facebook,
parce que se voir en vrai = boire."
Gad

LGC : Le sauveur ! Et ça se passe comment la proposition de scénarios pour les strips ?
Charogne : Je propose à l'équipe un max d'idées de strip parmi lesquelles les gars font leur marché. Ce sont en général 10 "phrases d'entraîne"
LGC : Et du coup, vous composez vos strips et vos recueils comment ? Vous avez une salle de réunion sentant bon les vapeurs d'alcool et la testostérone ? 
Gad : Haha ! Non, on construit Glory Owl via un "thread" Facebook (NDLR : discussion de groupe privée), parce que se voir en vrai = boire. C'est un brainstorming où tout le monde lâche ses idées de strips. 
Charogne : Pour les recueils, on fait la sélection en équipe et on l'envoie à l'éditeur (Même Pas Mal). Après on discute et on choisit les illustrations pour aérer le bouquin. Pour finir, chacun file une couverture et on effectue un choix démocratique tout en subissant un lobbying infect de Gad pour qu'on choisisse les siennes...
LGC : Et il n'y a pas trop de frictions dans les décisions ?
Gad : Non, non, ce sont des discussions saines entre potes et le fait de discuter par Facebook permet d'avoir des coupures et d'effacer le côté corvée des réunions... Et quand ça commence à s'échauffer et à devenir chiant, J.J. Charogne balance un gif scato et se casse (rires).
LGC : Une forme de démocratie 2.0 en quelques sortes, quoi !
Charogne / Gad : "Démocratie 2.0", ça fait vraiment titre d'album de zik de merde. Genre du Calogéro. (rires, puis escalade de la violence verbale envers le "chanteur")
"Bathroom Quest fait office de conscience "politiquement correcte". C'est une sorte de Jiminy Cricket un peu snob." Charogne 
LGC : Et niveau cohésion d'équipe, vous faites du "team building" ?
Charogne (spontanément, en toute décontraction): On chasse le Rom dans mon domaine. On se sape en 3/4 noirs avec des fusils à pompes et on utilise un Rom appât avec un fil de cuivre attaché derrière lui et relié à des papiers pour attirer ses congénères et les tirer à la chaîne. Pour ceux qui en réchappent, on a des appeaux à Roms qui font "S'il vous plaiiit, s'il vous plaiiit". À la fin, on a de belles piles de scalps et sous-vêtements sales en trophées. 
*Moment ému d'admiration de Gad et de votre serviteur face à tant d'éloquence absurde*
LGC : Hum ! Du coup, vous vous censurez de temps en temps ?
Charogne / Gad : Jamais, même si Bathroom Quest fait office de conscience "politiquement correcte". C'est une sorte de Jiminy Cricket un peu snob.

LGC : En parlant des autres membres du crew, il y a eu un ordre d'arrivée ? Vous vous connaissiez avant ?
Charogne / Gad : Mandrill Johnson et Bathroom Quest étaient potes dès la 6ème, tandis qu'on était dans le même collège, même si on ne traînait pas dans la même bande. On est devenus potes au lycée grâce à un pote en commun vampire transsexuel (précision de Charogne). Après ça, on ne s'est plus quittés.
Charogne : Ultimex est d'ailleurs né dans mon studio à Rosny !
Gad : Ouais, il venait d'acheter L’œil de la police, un bouquin que je zyeutais depuis un moment mais que je trouvais trop cher, juste pour que je le lise... Après ça, j'ai rencontré Bathroom à la fac et donc Mandrill. Glory Owl était né.
Charogne : Mëgaboy est arrivé après, suite à un concours de strips. C'est un peu le Fergie (chanteuse des Black Eyed Peas) de la bande.

LGC: Et vous avez quel âge, les gars ?
Charogne : On a le même âge, à 18 jours d'écart
Gad : Oui, mais j'ai été conçu avant, dans un concert de Pierre Perret

À ce moment de l'interview, Mëgaboy et Mandrill Johnson firent irruption dans la taverne écossaise aux paradoxales décorations londoniennes. 4 membres de Glory Owl dans la même pièce et l'interview qui était jusque là (vaguement) professionnelle dégénéra en un joyeux foutoir où punchlines soyeuses et crises d'hilarité générale s'enchaînaient entre deux questions...



LGC : Allez, les retardataires, dites-moi comment vous vous êtes lancés dans la BD
Mandrill Johnson : J'ai beaucoup dessiné quand j'étais petit, comme tout le monde, puis plus rien durant l'adolescence. J'ai repris le dessin à 22 ans au moment où les potes ont commencé à lancer leurs blogs BD

Mëgaboy : Astérix a été un électro-choc pour moi. J'ai toujours dessiné et je dessinais lorsque les autres faisaient la teuf au lycée, à tel point que j'ai bu pour la première fois à 24 ans.
LGC : Mh Mëgaboy, je crois qu'il n'y a pas que le dessin que tu dosais non-stop, il y avait aussi Street Fighter : Third Strike d'après ce que j'ai pu tirer d'internet...
Mëgaboy : ouais, j'adore les Street Fighter et Third Strike en particulier !
Alors que Mëgaboy commençait à devenir infect et de mauvaise foi envers King of Fighters, Gad intervint pour troller sur une prétendue victoire contre lui sur Third Strike. L'excuse "je joue au stick normalement, moi, pas à la manette" fusa immédiatement, avec un combo "en plus j'étais bourré".
Mëgaboy : Bref, à part ça, j'aime les jeux vidéo en général et surtout quand leur chara design est bon. Récemment, j'ai vraiment adoré ceux de Skullgirls. Je rêve de faire du chara-design pour du jeu vidéo et j'anime déjà un peu de mon côté en parallèle d'un projet avec un pote.

Mandrill : Ouais, le chara-design c'est super important. Ceux de la série des Souls (Demon's Soul, Dark Soul 1 et 2) sont complètement oufs. Ces jeux sont géniaux !
Il ne fallait pas évoquer les Souls avec votre serviteur, qui a tout de suite embrayé sur la pâte dark fantasy de la série et de la parenté avec Berserk (surtout Demon's Soul), pour partir dans une discussion pleine de trémolos dans la voix et de sourires entendus sur la série avec Mandrill Johnson et Mëgaboy, visiblement aussi fans que moi. Statut de fan qui a poussé Mëgaboy à jouer des heures à Dragon's Dogma à cause des skins de Guts et Griffith.

Je vous évite la fin de la discussion car il ne faut pas mélanger travail et plaisir, mais sachez que j'ai été encore plus séduit par cette équipe pleine d'énergie créative et définitivement super éclectique que vous vous DEVEZ découvrir.
Glory Owl Glory Owl, tome 2

Mais qu'est-ce que Glory Owl ?

Bio
  • Date de naissance : Génération Y
  • Nationalité : Française
Recette créative
  • ingrédients favoris : humour noir et absurde qualitatif
Glory Owl, ce sont cinq garçons dans le vent et des comic strips de trois cases à l'humour corrosif. Le dicton "les blagues les plus courtes étant souvent les meilleures", aura rarement été aussi vrai avec une réutilisation virtuose de la recette Perry Bible de Nicholas Gurewitch.

Les œuvres cultes de Glory Owl

Gad (la sélection de la violence)
  • Les livres de Bret Easton Ellis
  • Les films de Quentin Tarantino (préférence pour Pulp Fiction)
  • Les films de Robert Rodriguez
J. J. Charogne (la sélection de la pop culture 80's)
  • L'Empire contre-attaque (Irvin Kershner, Lawrence Kasdan, George Lucas)
  • Indiana Jones et la dernière croisade (Steven Spielberg, Jeffrey Boam, George Lucas)
  • Les bouquins de James Bond (Ian Fleming)
Mandrill Johnson (la sélection de la classe)
  • Lincal (Alexandro Jodorowky, Moebius)
  • La Classe américaine (Michel Hazanavicius, Dominique Mézerette
  • La musique de Jamiroquai
Mëgaboy (la sélection de l'hyper graphique)
  • Les travaux de Mike Mignola (les derniers tomes de Hellboy en particulier)
  • Le Samouraï Bamboo (Issei Eifuku, Taiyō Matsumoto)
  • Berserk (Kentaro Miura)