À l'époque où naviguer sur internet était un luxe, je me rendais souvent dans les cyber cafés juste pour suivre les actualités du collectif
Ben Bao (leurs fanzines sont maintenant dispos
gratuitement en PDF). Des années plus tard, la plupart de ses auteurs sont passés du fanzinat à l'édition professionnelle et trois d'entre eux –
Rafchan,
Nikoneda et
Mosqi – ont décidé de lancer leur propre plateforme de publication de bandes dessinées numériques,
Spunch Comics. J'ai pu leur poser quelques questions à propos de cette alternative gratuite et légale.
" Spunch, c'est un coup de poing dans les parties, c'est rigolo et ça réveille... " Nikoneda
LGC : Bonjour, pouvez-vous vous présenter ?
- Rafchan :
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Hello, je suis Raf, auteure de BD ! J’ai commencé avec Nikoneda dans le fanzinat à la fin des années 90 jusqu’en 2006 environ, puis j’ai rencontré Run, le directeur de collection d’Ankama et auteur de Mutafukaz, qui m’a proposé de faire un manga chez eux. J’ai eu la chance de scénariser et dessiner ma propre oeuvre, Debaser jusqu’en 2012. Après, avec des potes auteurs on a fondé Spunch Comics, un site de BD numériques gratuites qu’on a alimenté chaque semaine pendant 4 ans. Depuis septembre 2016, on se focalise sur l’artbook qu’on va sortir prochainement, financé grâce aux dons de nos lecteurs !
- Nikoneda :
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Salut je m'appelle Nikoneda. J'ai commencé à faire des fanzines dans les années 90 (Dream On, Atatawata).
- Mosqi :
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Marcel (ou Mosqi), j'ai commencé à faire de la bédé dans un petit fanzine avec des potes au début du siècle (pour concurrencer les fanzines de Raf et Niko), maintenant je fais de la bédé gratuite sur internet (avec Raf et Niko).
LGC : Comment avez-vous rencontré les autres membres de la team Spunch Comics ? Je crois que ça remonte au lycée pour certains...
- Rafchan :
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J’ai rencontré Mosqi sur les premiers forums de dessin quand on était au lycée (fin des années 90) et Nikoneda lorsque nous avons tous les deux gagné le concours de Bd de Tonkam et avons été publiés dans le même recueil ! Puis nous avons tous fait des fanzines ensemble avec pleins d’autres amis artistes.
- Nikoneda :
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Dans les salons et sur les premiers forums d'animation et de dessin sur le net.
- Mosqi :
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En 98-99 je venais d'avoir internet, je suis allé sur un forum pour avoir des conseils en dessin, et Raf est passée pour me dire de venir plutôt sur son forum parce que "il est nul ce forum, y a personne". Après on s'est croisé en convention, j'ai rencontré Niko, et on a passé pas mal de temps à se moquer des mauvaises adaptations de manga en anime, entre autres.
LGC : Comment et quand est née l'envie de créer Spunch Comics ? Pourquoi ce nom ?
- Rafchan :
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Spunch, c’est un coup de poing dans les couilles, BAM ! Voyant que la BD papier se portait malheureusement mal, on a voulu expérimenter des BD dessinées plus efficacement et publiées directement, avec des retours et échanges immédiats de nos lecteurs. Le pari s’est avéré gagnant !
- Nikoneda :
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On voulait faire de la BD en ligne pour avoir un échange avec nos lecteurs plutôt qu'avec des éditeurs. Spunch c'est un coup de poing dans les parties, c'est rigolo et ça réveille...
- Mosqi :
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On avait chacun nos raisons, moi j'en avais marre d'envoyer des dossiers à des éditeurs qui n'y voyaient pas un grand potentiel commercial (ou tout court), et comme Niko avait déjà un peu testé la bd numérique, on s'est dit que ça serait sympa de tenter une balade en indé directement sur internet sans intermédiaires ni rien. Ensuite on en a discuté, on est tombé sur un projet de publication hebdomadaire pour faire venir les gens fréquemment sur le site, et on a "rencontré" Arnold notre codeur du chaos, pour mettre tout ça en forme. Avant le lancement (et même pendant) on a eu pas mal de propositions de coups de mains, et quelques héros de l'internet bossaient déjà sur des players de bd numérique (Tsuka et Klaim par exemple), merci à eux au passage.
" (...) je n'ai jamais trouvé que les effets d'animations en BD apportaient autant à l'histoire que ce qu'ils coûtent en temps de réalisation.. " Mosqi
LGC : Niveau techno, comment avez-vous intégré l'utilisation du Turbomedia ? Il n'y a pas d'animations mais cela est-il prévu ?
- Rafchan :
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On voulait surtout faire efficace et nous focaliser sur la narration pure plutôt que sur les effets spéciaux. L’idée étant de dessiner et publier vite, sur un format de récit en feuilletons réguliers, nous aurions perdu du temps précieux à animer et ajouter des sons (deux domaines que nous ne maîtrisons en plus pas du tout).
- Nikoneda :
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On a surtout profité de la narration sur écran en utilisant des rémanences et des effets d'apparitions dans un format 16/9. L'art séquentiel et l'animation sont deux choses différentes qui peuvent être complémentaires. Mais je n'ai jamais trouvé que les effets d'animations en BD apportaient autant à l'histoire que ce qu'ils coûtent en temps de réalisation.
- Mosqi :
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J'ai l'impression qu'on a tous les 3 l'intention de rester dans quelque chose de séquentiel. L'animation et l'interaction ça prend du temps et ça donne autre chose que de la BD, or la BD c'est déjà pas facile à maîtriser. Donc perso je me sens pas de me lancer plus loin dans le numérique, je me suis contenté de faire des BD lisible sur téléphone portable (16/9, gros texte et peu de cases) et de garder une lecture page par page, avec quelques effets de rémanence quand ça s'y prête, principalement pour gérer le rythme de lecture. Et techniquement c'est un diaporama bricolé à la main par Arnold, comme l'intégralité du site.
LGC : Comment bossez-vous ensemble ? Pas trop dur de gérer les projets perso à côté de cette machine collective ?
- Rafchan :
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On peut considérer Spunch Comics et nos BD numériques comme des projets persos à côté de nos boulots de graphistes/illustrateurs. C’était un boulot monstre mais on a dû apprendre un tas de nouveaux skills sur le tas (codage, community management, etc.) et c’était un réel plaisir !
- Nikoneda :
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Les BD sont réalisées chacun de notre coté et nous ont pris beaucoup de temps quand on essayait d'avoir un rythme de publication hebdomadaire. Associé à un travail "normal", il ne restait pas d'espace à des projets persos.
- Mosqi :
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En fait ce que je fais sur Spunch, c'est mes projets perso. Spunch n'est pas une entreprise, c'est juste un collectif informel d'auteurs, rassemblés pour sortir leurs projets perso ensemble. Et depuis qu'on a arrêté les sorties hebdomadaire l'organisation est très légère, on se voit quand on doit prendre une décision collective, c'est loin d'être une grosse machine.
LGC : Vous avez des guests de malade sur Spunch comme l'américain Dan Ciurczak, comment les avez-vous recrutés ?
- Rafchan :
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On avait repéré sa BD
Vibe sur le net (probablement vu sur
Tumblr) et son style et sa démarche ont tout de suite collé avec les nôtres. Malgré la distance géographique et culturelle, on a retrouvé chez lui (et d’autres artistes US comme Alex Ahad, etc.) les mêmes références hybrides comics/mangas/jeux vidéo que les nôtres et on lui a proposé de traduire et diffuser sa BD à notre public français.
- Nikoneda :
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Je sais plus, c'est un contact de Raf je crois ^^
- Mosqi :
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Pour Dan Ciurczak, faut demander à Raf ! Après on connaissait déjà Paka et Nipal, qui nous on fait un one-shot chacun, et on a flashé sur Jo de Jackpot et Soyouz, qui ont accepté qu'on adapte leur série en numérique mode "diaporama".
" Patreon est un excellent modèle économique pour les artistes indés, même si ça demande beaucoup de maintenance en arrière-plan : communiquer régulièrement, créer des récompenses satisfaisantes, etc. il faut traiter ses soutiens comme des VIP ^^ ! " Rafchan
LGC : Vous avez fonctionné sur la base d'un financement Patreon, pouvez-vous m'en dire plus sur ce système ? Est-il satisfaisant ?
- Rafchan :
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Ça a été une expérience géniale ! Les lecteurs sont venus nous soutenir spontanément et on a pu échanger plus en profondeur avec eux, recevoir leurs avis et conseils, etc. et grâce à leurs dons, on va pouvoir faire imprimer un bel art-book avec des illus et des BD inédites ! C’est un excellent modèle économique pour les artistes indés, même si ça demande beaucoup de maintenance en arrière-plan : communiquer régulièrement, créer des récompenses satisfaisantes, etc. il faut traiter ses soutiens comme des VIP ^^ !
- Nikoneda :
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C'est très sympa d'avoir des gens qui nous soutiennent et d'échanger avec eux sur les références et la culture pop. De plus, C'est à l'initiative et avec l'aide d'un patréon qu'un des personnages de Console Girl à vu le jour.
- Mosqi :
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C'est très sympa d'avoir le soutien de lecteurs directement, mais il faut définir assez habilement les récompenses (sur Patreon on s'abonne pour un montant au choix, et on reçoit des récompenses en fonction de ce montant), pour qu'elles soient assez attractives sans y passer trop de temps au détriment de l'activité de base (dans notre cas les BD). J'ai trouvé ça très gratifiant, mais ça demande un gros taf d'animation de communauté pour avoir assez de soutiens.
LGC : Vous préparez un projet print à ce que j'ai cru comprendre, pouvez-vous me donner plus de détails ?
- Rafchan, Nikoneda, Mosqi : On est en train de faire imprimer un beau livre format B5 environ (un peu plus petit que A4) de 100 pages dont une trentaine couleur et environ 70 noir et blanc. L’idée étant de compiler nos illustrations, croquis, textes et surtout, une BD inédite de chaque auteur ! Le livre sera donc composé en trois parties dédiées à chacun des 3 auteurs maison.
LGC : Quelles sont les plus grandes influences de vos ADN artistiques ? Disons, le top 3 de la création artistique humaine pour chacun d'entre vous ?
- Rafchan :
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Mon idole du dessin et de la narration reste Hiroyuki Imaishi depuis la claque de FuliCuli (et KareKano). J’adore aussi One Piece pour son dessin généreux et ses personnages profonds et touchants. En comics, mes influences sont plutôt Jim Mahfood, Jhonen Vasquez et Mike Mignola, des artistes qui travaillent beaucoup sur l’encrage et les noirs.
- Nikoneda :
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Ranma et Rumiko Takahashi en général, Keroro et tout ce que fais Yoshizaki Mine, Who's Fuoh et les autres mangas de Tow Nakasaki. Ce sont des auteurs que je relis en boucle depuis de longue années.
- Mosqi : En ce qui me concerne :
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FLCL, Evil Cult (de Wong Jing avec Jet Li), et Noritaka (juste pour les dessins de coups de pieds).
LGC : Et vos derniers coups de cœur ?
- Rafchan :
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C’est pas tout récent mais j’ai pris une bonne claque en lisant Seven Deadly Sins. Je dévore en ce moment Nejima Kagyuu, un shonen bizarroïde par Atsushi Nakayama. Mais depuis que Persona 5 est sorti, je me transforme en ermite ^^
- Nikoneda :
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Jitsu Wa Watashi Wa de Eiji Masuda, Dungeon Meshi de Ryoko Kui (Glouton & Dragon en vf), Gleipnir de Sun Takeda, et bien sûr High Score Girl de Rensuke Oshikiri.
- Mosqi :
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L'Attaque des Titans et Dolly Kill Kill, je manque un peu de coups de cœur depuis un moment.
Vous comprenez bien que, vu son emploi du temps serré (le platine de
Persona 5, ça prend du temps ^^), j'ai préféré laisser l'équipe montpelliéraine (oui, oui, comme
Reno Lemaire) se concentrer sur la réalisation de leur artbook. N'hésitez pas à le
commander via la boutique de Spunch Comics !
Et si vous ne pouvez pas vous passer de "l'odeur du papier", n'hésitez pas à acheter les tomes de
Debaser, la série Punk Rock de
Rafchan :
Les tomes 1 à 8, chez
Ankama :
Le tome 9 (et le 10, à venir), sur
Lulu, en impression à la demande :
Sources planches et couvertures : le site de
Spunch Comics, le site du
Label 619
Mais qui sont les membres de la Team Spunch Comics?
Bio
- Date de naissance : les glorieuses années 80
- Nationalité : française
Recette créative
- ingrédients favoris : trait métissé, découpage dynamique, thématiques punk, influences geek
Rafchan, Nikoneda et Mosqi ont fait leurs premières armes dans le fanzinat BD et font partie des premiers auteurs à partir à la conquête du web. Avec Spunch Comics, ils proposent une alternative aux plateformes traditionnelles, gratuite et particulièrement adaptée à la lecture numérique.
Les œuvres cultes de la team Spunch Comics
- Rafchan : les travaux d' Hiroyuki Imaishi, d'Eichiro Oda, de Jim Mahfood, de Jhonen Vasquez, de Mike Mignola...
- Nikoneda : les travaux de Rumiko Takahashi, de Yoshizaki Mine, de Tow Nakasaki
- Mosqi : FuliCuli, Noritaka, Evil Cult
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