Après ma rencontre avec Jason Latour, je n'ai pas tout de suite quitté l'ambiance américaine du stand d'Urban Comics, j'avais rendez-vous avec un autre auteur d'exception : Dustin Nguyen. Si ses versions toutes choupies des personnages de l'univers de Batman avaient su émerveiller petits et grands en fin d'année dernière dans Little Gotham, j'étais plutôt là pour lui poser quelques questions sur sa collaboration avec Jeff Lemire sur Descender et en savoir plus sur ses influences métissées.
"J'ai toujours voulu dessiner, même quand je bossais en tant qu'architecte 3D. Du coup, j'ai cravaché dur pour y arriver. J'ai même vécu dans un petit studio avec cinq autres personnes qui partageaient le même rêve." Dustin Nguyen
Le Goûteur Culturel : Bonjour Monsieur Nguyen. Pourriez-vous vous présenter et nous dire quels ont été vos premiers contacts avec le monde de la BD ?
Dustin Nguyen : Bonjour, je suis né au Vietnam et je vis en Californie.
J'ai grandi en matant des séries d'animation à la Transformers ou Robotech et en lisant du Mike Mignola, du Ken Williams et du Jon Muth. J'ai aussi lu pas mal de magazines Heavy Metal et d'auteurs européens comme Moebius, Corben et bien d'autres encore même si je n'ai pas retenu tous les noms.
LGC : La jeunesse des meilleurs (rires) ! Mais si vous ne deviez retenir que trois œuvres parmi tous ces monuments ?
Dustin Nguyen : Ah ! C'est une question compliquée mais je dirais le Dracula de Jon Muth, tout simplement sublime, le tome 1 de Batman Black & White et le manga Blade of the Immortal (L'Habitant de l'infini en VF, chez Casterman) pour son storytelling de malade !
LGC : Aha ! Vous êtes aussi amateur de mangas ? Vous en regardez toujours ?
Dustin Nguyen : Je n'ai malheureusement plus trop le temps, mais récemment j'ai vraiment adoré Welcome to the NHK (Bienvenue dans la NHK en VF, chez Soleil Manga). J'ai d'abord découvert l'animé et j'ai continué avec le manga.
LGC : Encore de la bonne (rires). Avec de telles influences, je comprends mieux votre trait métissé et les influences qui transparaissent ! Mais du coup vous avez fait des études pour devenir dessinateur du coup ?
Dustin Nguyen : Nope ! J'ai toujours voulu dessiner, même quand je bossais en tant qu'architecte 3D. Du coup, j'ai cravaché dur pour y arriver. J'ai même vécu dans un petit studio avec cinq autres personnes qui partageaient le même rêve. Nous nous influencions mutuellement et nous sommes devenus vraiment potes, même si au final je suis le seul à avoir fait carrière dans la BD.
"C'est très simple de bosser avec Jeff, organique même, je dirais. Je comprends ce que Jeff me demande et lui, comprend tous mes croquis, c'est génial !" Dustin Nguyen
LGC : À propos de carrière et actualité oblige, pouvez vous m'en dire plus sur votre méthode de travail avec Jeff Lemire sur Descender ? Est-ce compliqué de donner forme à ses idées ? Avez-vous dû effectuer des recherches pour dessiner les machines de cet univers SF et sentimental ?
Dustin Nguyen : Oh, c'est très simple de bosser avec Jeff, organique même, je dirais. Je comprends ce que Jeff me demande et lui, comprend tous mes croquis, c'est génial ! J'ai effectivement fait quelques recherches sur les machines et plus particulièrement celles des années 80 et 90. J'ai également cherché du côté de la mécanique et des modèles 3D.
Ce qui est cool avec Descender, c'est que je peux expérimenter des trucs originaux niveau dessins et concepts graphiques ! Ce n'est pas de la SF figée et Jeff me laisse pas mal de liberté !
LGC : Une machine bien huilée, c'est cool ! Et vous comptez collaborer sur ce titre pour combien de numéros ? Avez-vous d'autres projets dans les tiroirs ?
Dustin Nguyen : J'ai signé pour 30 numéros et en parallèle, je bosse sur Secret Heroes Society (les enquêtes de Batman, Superman et Wonder Woman en mode teenage) avec Derek Fridolfs (avec lequel il avait déjà travaillé sur Little Gotham) chez DC Comics. Sinon, j'ai un livre pour enfants en préparation avec ma femme. Il est basé sur Where the sidewalks ends, le recueil de poésies de Shel Silverstein. Je suis super excité de bosser dessus, il fait aussi partie de mes grandes sources d'inspiration.
"Sublime reste mon groupe préféré. Il m'a tellement marqué que j'ai appelé mon fils Bradley en hommage à son chanteur (rires) !" Dustin Nguyen
LGC : Bon, terminons sur des questions plus "légères", j'ai pu écouter la playlist Spotify de Jeff Lemire pour Descender, avez-vous aussi un rapport particulier avec la musique ?
Dustin Nguyen : Je suis resté bloqué dans les années 90 niveau musique ! J'adore les Smashing Pumpkins et le hip-hop qui sonne bien 90's. Mais Sublime reste mon groupe préféré (ils sont californiens, c'est un "groupe local" pour lui). Il m'a tellement marqué que j'ai appelé mon fils Bradley en hommage à son chanteur (rires) !
LGC : Et niveau films, vous avez des références ? Si vous deviez m'en citer 3 ?
Dustin Nguyen : Fallen Angels de Wong Kar Wai, Braveheart, qui est pour moi la définition même du terme épique et enfin Monsters de Gareth Edwards qui est un magnifique film de voyage, en fait !
LGC : Merci pour toutes ces réponses... Ah, j'allais oublier : "Frank Miller ou Alan Moore ?"
Dustin Nguyen : Alan Moore à cause de Killing Joke mais Frank Miller pour l'inspiration en tant qu'artiste.
Bonus : La playlist Descender sur Spotify
Mais qui est Dustin Nguyen ?
- Date de naissance : 1976
- Nationalité : Américaine
Recette créative
- ingrédients favoris : Imagerie pastelle et poétique
Qu'ils soient indépendants ou "mainstream", on retrouve quasiment à tous les coups une certaine tendresse dans les travaux et la gestion des couleurs de Dustin Nguyen. Une douceur presque enfantine qui ne dessert pourtant jamais l'intensité qu'il souhaite donner aux récits qu'il illustre. Il l'aura prouvé lors de son passage sur Batman et maintenant avec le sublime Descender.
Les œuvres cultes de Dustin Nguyen
BD
- Dracula de Jon Muth
- Batman Black & White (Bob Kane, Neil Gaiman, Brian Bolland)
- Blade of the immortal (Hiroaki Samura)
Musique
- Sublime
- The Smashing Pumpkins
- Le Hip-hop des 90's
Cinéma et séries TV
- Fallen Angels (Wong Kar Wai)
- Braveheart (Mel Gibson)
- Monsters (Gareth Edwards)